Nos productions 2023

en éducation permanente

 

Chapitre I - Nos analyses et nos études

Chapitre II - Nos services

 

 

Chapitre I

Nos analyses et nos études

 

 

 


Analyse n°1
Pressions à l’école fondamentale: quelles analyses, quelles actions?

Par Jean Blairon

Diffusion via la newsletter de février intitulée « Pressions sociétales ».
Publication également dans le N°167 de la revue CSC Educ.

Lire l'analyse en ligne sur Intermag.

 

Le 2 décembre 2022, la CSC enseignement a organisé à Namur une conférence/débat sur les pressions à l’école fondamentale.

En 2021, le Comité communautaire de secteur fondamental avait organisé une première conférence/débat pour commenter les résultats d’une enquête organisée par le syndicat, qui avait rassemblé quelque 75 pages de témoignages. Un directeur d’école, un inspecteur du fondamental, un délégué aux contrats d’objectifs (DCO), un membre d’une équipe mobile de la FWB et un représentant de l’UFAPEC (association de parents) avaient été invités à y réagir.

Jean Blairon a été sollicité pour revenir sur ces analyses et envisager des pistes d’actions. Cette analyse retranscrit son intervention et la complète.

 


Analyse n°2
Réduire les inégalités, quels enjeux, quelles luttes, quels points d’appui ?

Par Christine Mahy et Jean Blairon

Publication dans la ruve L' Essor, n°103, "Précarité, pas une fatalité", p. 26.

Lire l'analyse dans la revue en ligne: https://www.interfede.be/wp-content/uploads/2023/04/Essor_103_web.pdf.

 

 

L'Essor, revue de l'interfédé des services ISP, a sollicité les auteurs pour le n° 103 de la revue, qui voulait mettre en avant la précarité (très fréquente chez les bénéficiaires des dispositifs d'insertion socio-professionnelle) non comme une fatalité mais comme l'accumulation de contraintes diverses, à combattre énergiquement. Il était demandé aux auteurs d'envisager la question sous l'angle du décorticage des processus et mécanismes de précarisation.

L'analyse porte sur la question de la lutte contre les inégalités, pour cela, les auteurs explorent, notamment avec Lahire et Wieviorka, les mécanismes de la production des inégalités, ainsi que leurs conséquences sur le travail d'insertion socio-professionnelle.
 

 


Analyse n°3
La future composition des cellules de sécurité intégrale locales en matière de radicalisation, d’extrémisme et de terrorisme, déjà une victoire du terrorisme?

Par Christine Mahy, Secrétaire générale et politique du RWLP et Jean Blairon, expert associé à l’asbl RTA

Diffusion via la newsletter de février intitulée « Pressions sociétales ».
Lire l'analyse en ligne sur Intermag.


A la suite des attentats terroristes de novembre 2015 à Paris et de mars 2016 à Bruxelles – dont le procès se déroulait en début d'année 2023 - et de l’émoi qu’ils ont suscité, plusieurs mesures législatives furent prises, notamment de nouvelles dérogations au secret professionnel virent le jour.

Les auteurs mettent en avant des points de vue non pris en compte pour analyser la situation; les sciences humaines et sociales nous permettent en effet une connaissance différente des trajectoires des individus qui finissent par décider de « passer à l’acte » terroriste. Les auteurs ont cherché à mettre en lumière comment l’avant-projet de Décret CSIL-R pourrait s'inspirer de ces travaux.

 


Analyse n°4
Investigation, une livraison qui occulte plus qu’elle ne révèle

Par Jean Blairon et Jacqueline Fastrès

Diffusion via la newsletter de mars intitulée « L’aide à la jeunesse dans le prisme médiatique ».
Lire l'analyse en ligne sur Intermag.

 

L’émission #Investigation se veut « le rendez-vous en prime time de l’information, de l’enquête et du reportage » à la RTBF. Ce mercredi 22 mars 2023 la chaîne proposait une livraison de cette émission titrée « Aide à la jeunesse : Enfants placés - La vie en institution ».

L’émission comporte deux reportages ; sur Auvio, l’émission dans son ensemble est présentée comme une « enquête sur des dysfonctionnements de l’Aide à la jeunesse ».

Le secteur de l’Aide à la jeunesse est malheureusement habitué au traitement médiatique biaisé, sensationnaliste ou très léger de réalités qui sont complexes, difficiles toujours, douloureuses souvent, mais où une société démocratique met en jeu ses prétentions, notamment en termes de respect et de promotion des droits.
Nous eussions espéré qu’une émission dont la première partie est, aux dires de son commentateur, le résultat de plusieurs mois d’investigation se démarque de cette mal traitance. Nous sommes loin du compte.

Nous avons souhaité prendre un point de vue d’éducation permanente pour commenter le traitement médiatique de cette matière délicate, en tentant d’en replacer les rouages institutionnels fort mal abordés par l’émission et les enjeux en termes de droits – et plus spécifiquement de confrontation de droits, tous légitimes - dans lequel le secteur doit se mouvoir.

 


Analyse n°5
A propos de la précarité : nouveaux visages et masques anciens

Par Christine Mahy et Jean Blairon

Paru dans la revue l'Observatoire, n° 114 - 2023 "Nouveaux visages de la précarité & inégalités grandissantes"

Pour obtenir cette analyse, contactez Jacqueline Fastrès Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

Les auteurs s’interrogent sur cette mise en lumière par la revue l’observatoire et d’autres médias ou observateurs de ce qu’on appelle les nouveaux visages de la précarité. Pour eux, cette mise en lumière ne permet pas, bien au contraire, de faire tomber le masque moral et ancien de la responsabilité individuelle qui accable les plus démunis, ceux qui, depuis longtemps, depuis bien avant les crises, vivent dans des situations indignes. Elle est à mettre en lien, pointent-ils, avec la logique néolibérale et le néomanagement qui envahissent les politiques de lutte contre la pauvreté et privilégient le nouveau, le ponctuel ou l’innovant qui servent davantage la visibilité.

Les auteurs questionnent ces nouveaux visages de la précarité: quelles relations entretiennent-ils avec les anciens?  Avec les associations qui luttent contre? Avec les situations réellement vécues?

 


Analyse n°6
L’évaluation des enseignants, une victoire de plus de la révolution conservatrice?

Par Jean Blairon

Diffusion via la newsletter de mai intitulée « Evaluation des enseignants :
quels risques ? ».
Lire l'analyse en ligne sur Intermag.

 

Manifestation des enseignants le 26/4/2023 : un conflit social agite la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le contexte du « Pacte d’excellence » censé améliorer la qualité de notre enseignement, lui-même supposé ne pas supporter la comparaison internationale : il serait un des plus chers et un des moins efficaces.

Le conflit oppose les syndicats et le gouvernement sur un des volets du « pacte » : ce qui est appelé « évaluation des enseignants » et particulièrement l’évaluation qualifiée de « sommative », terme qui renvoie vers des sanctions qui peuvent être prises en cas de « mauvaise volonté manifeste » d’un(e) enseignant(e) par rapport, par exemple, au « plan de formation » qui lui est proposé/imposé.

Le conflit est tel que le gouvernement a décidé de surseoir pendant deux ans à l’introduction de possibles sanctions, mais pour autant, il n’est en rien réglé, les syndicats continuant à s’y opposer, au point qu’une majorité d’entre eux ont décidé de se retirer du comité de pilotage du « pacte ». Il n’est pas sûr que la stratégie habituelle de « mise au frigo » d’une mesure contestée fonctionne dans ce cas de figure.

Nous voudrions pour notre part contextualiser ce conflit en montrant qu’il est un redoutable révélateur de la progression d’une « révolution conservatrice » qui, comme l’a montré Pierre Bourdieu, s’attaque depuis les années 80 à tous les acquis sociaux, aux services publics, à ce que Pierre Bourdieu a appelé une « civilisation ».

 


Analyse n°7
Pratiques culturelles et artistiques : quelle place dans la lutte pour la réduction des inégalités ? 

Par Jean Blairon

Pour le projet Cultur’Act du CIEP.

Pour obtenir cette analyse, contactez Jacqueline Fastrès Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

Cette analyse est la restranscription d’une intervention de Jean Blairon, invité par le CIEP à intervenir lors de la journée de clôture du projet Cultur’Act, qui se tenait le 15 juin à Charleroi.

L’art et la culture jouent un rôle fondamental dans l’émancipation individuelle et collective des citoyen.nes. Les processus de création culturelle et artistique ont un véritable pouvoir de transformation des vies et du monde.

Cette journée qui clôture le projet européen Cultur’ Act, était l’occasion de découvrir comment l’art et la créativité peuvent être mobilisés dans nos pratiques d’éducation permanente, en particulier avec les publics vulnérables. Elle a croisé exposés et ateliers d’expérimentations concrètes.

 

 


Analyse n°8
La transition minorité-majorité: quelle prévention?

Par Jean Blairon

Diffusion via la newsletter de septembre intitulée « La transition minorité-majorité : quelle prévention ? ».
Lire l'analyse en ligne sur Intermag.

 

Le 6 septembre 2023, le Service de prévention de la division de Dinant a organisé une journée d’échanges à propos d’actions de prévention portant sur la question de la transition minorité-majorité : des récits d’expérience, mais aussi des stands présentant une série d’expérimentations ou d’initiatives (comme celles prises par le Ministre du logement wallon, Christophe Collignon) étaient proposés aux participants au Centre Culturel Marcel Hicter (La Marlagne).

La journée était présidée par Ariane Mertens, chargée de prévention et Christophe Nieulandt, co-président du Conseil de prévention de Dinant, en présence de la représentante de la Ministre Bertieaux, Rafika Daoudi et de l’administratrice générale de l’aide à la jeunesse, Valérie Devis.

Pedro Ferreira Marum, Directeur général adjoint du Service de prévention de l’aide à la jeunesse, a présenté le contexte et les enjeux de la prévention en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Le service de prévention avait sollicité Jean Blairon pour qu’il présente ensuite sa lecture de la problématique de la transition minorité-majorité.

Cette analyse propose la version écrite de son intervention.

 


Analyse n°9
Travail en mutation - Réinventons notre engagement collectif
Retours sur expériences

Par Jean Blairon

Pour la CSC Namur-Dinant, à l'occasion du Congrès du 8 décembre 2023.

Pour obtenir cette étude, contacter Isabelle Meerhaghe à la CSC : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

Le 8 décembre 2023, la CSC Namur-Dinant organisait un congrès ayant pour thème "le travail en mutation : réinventons notre engagement collectif". Des intervenants se produisaient le matin, et des ateliers étaient organisés l'après-midi. Il était demandé à Jean Blairon d'intervenir le matin sur base de témoignages vidéos de délégués des 7 centrales de la CSC.

L'analyse est intitulée "Retours sur expériences", les expériences dont il est question sont celles des 7 délégués interviewés qui énoncent les problèmes principaux qui se posent à eux et définissent leurs priorités.

Les commentaires de l'auteur portent sur la dimension collective de l’engagement, avec au départ, cette question : qu’est-ce qui relie les expériences qui sont décrites ? Qu’ont-elles en commun ? Est-ce qu’elles dessinent des voies de réinvention de l’engagement transversales, qui vaudraient non seulement pour soi mais aussi pour les autres – autres délégués ou permanents, autres centrales, interpro, etc.?

Différents niveaux traversent cette question, ce qui la rend plus complexe qu'il n'y paraît.

 


Analyse n°10
Qu’ont à nous apprendre les « NEET » sur les politiques d’action sociale?

Par Jean Blairon

Pour l'IEV

Analyse disponible sur demande auprès de Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..

 

Le 3 février 2023, Jean Blairon était invité à intervenir dans le congrès des pouvoirs locaux à Morlanwez, organisé par l’IEV, sur le thème de l’avenir de l’action sociale en CPAS, les dilemmes qui se posent aux travailleurs sociaux entre accompagnement et activation des allocataires, entre aide structurelle et aide ponctuelle à leur offrir.

Différents ateliers y étaient organisés pour une centaine de participants, représentants socialistes des pouvoirs locaux. L’analyse est la retranscription de son intervention.

 


Etude n°1
Juste l’occasion d’essayer - And Nothing Else Matters
L’odyssée institutionnelle d’un service d’accrochage scolaire

Par Jacqueline Fastrès

Diffusion via la newsletter de décembre intitulée « Parcours institutionnel ».
Lire l'étude en ligne sur Intermag.


Suite à la demande d’un Service d’Accrochage Scolaire (SAS) de travailler sur ce qui en (a) fait leur l’essence – leurs adaptations, leurs choix institutionnels, leurs réponses au terrain, leur histoire–, RTA a recueilli la parole des travailleurs, tous anciens travailleurs sauf la co-direction. La présente étude souhaite faire écho à ce que les travailleurs ont dit de leur travail et de ses particularités, nous amenant par là à questionner beaucoup plus largement les paradigmes dans lesquels la société tente de lire la délicate question du décrochage scolaire.

Nous avons déjà travaillé cette thématique par le point de vue d’anciens bénéficiaires et par le point de vue de parents, cette fois, il s’agissait de boucler la boucle en prenant également le point de vue des chevilles ouvrières qui ont construit et consolidé le SAS, à savoir les travailleur.e.s, la direction et les instances.

L’étude est présentée en deux parties :

  • en première partie l’auteur a choisi de souligner les différentes facettes de cette évolution institutionnelle à travers les témoignages de celles et ceux qui ont créé et fait vivre le SAS ;
  • de ces récits émergent les diverses controverses rencontrées par l’institution au cours de ces 15 années, elles seront analysées dans la seconde partie.

 


Recherche participative n°10
Mémo sur l’argent des pauvres

Par Jean Blairon et Christine Mahy (dir.), Geneviève Baert, Véronique Boudlet, Laetitia Clin, Cécile Couvreur, Alain Delhaye, Jacqueline Fastrès, Anne Fournier,
Virginie Timsonet, Caroline Van Der Hoeven, Jean-Luc Vyncke, Laurence Watillon

Diffusion via la newsletter de décembre intitulée « Recherche participative en éducation permanente ».
Lire l'analyse en ligne sur Intermag.

 

Objet : mieux comprendre le rapport à l’argent de ceux qui en manquent trop durablement.

Auteurs : Jean Blairon et Christine Mahy (dir.), Geneviève Baert, Véronique Boudlet, Laetitia Clin, Cécile Couvreur, Alain Delhaye, Jacqueline Fastrès, Anne Fournier,
Virginie Timsonet, Caroline Van Der Hoeven, Jean-Luc Vyncke, Laurence Watillon

Destinataires : ceux qui vivent dans le trop peu d’argent ; les professionnels qui ont le pouvoir d’agir sur cette réalité ; les décideurs qui définissent ce que ce travail professionnel doit être.

Date de présentation publique : 19 décembre 2023.

Nous présentons ici les résultats d’une recherche participative consacrée à la problématique de l’argent, et singulièrement au rapport à l’argent de ceux qui en manquent trop durablement.

S’est engagé dans cette démarche, à partir de févier 2023, un groupe hybride composé de Témoins du Vécu et Militants ainsi que de facilitateurs ou facilitatrices en prévention des inégalités du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté ; de Travailleurs Sociaux dont la mission contient une intervention sur les rapports que les personnes pauvres entretiennent avec l’argent ; de responsables de recherche en éducation permanente de l’asbl RTA.

La visée poursuivie par ce groupe était de ne pas parler des autres (qu’ils soient professionnels ou « bénéficiaires » d’un tel travail professionnel) en leur absence ; d’ouvrir la boîte noire de l’argent tel qu’il est vécu avec les yeux de l’expérience de la personne participante, mais aussi avec les yeux des autres.

Ce texte est divisé en deux parties.

  • La première partie livre les résultats de la démarche participative dont elle est le produit. Cette partie est rédigée sur le registre du « memo », compris dans les deux sens du terme : mémoire de ce qui a été exploré ; memorandum à usage politique.Elle relate le point de vue collectif qui a été construit au fur et à mesure des travaux.

  • La deuxième partie, rédigée par Laurence Watillon, chercheuse à RTA, est au contraire écrite en « je ». Elle a pour visées d’exposer la méthodologie de la démarche et surtout, sous la forme d’un carnet de bord, comment une des protagonistes de cette recherche participative s’est efforcée de vivre les étapes du processus à l’aune de ce que Marcel Hicter appelait de ses vœux : une démocratie culturelle.

 

 

Chapitre II

Nos services


Service n°1 - Interviews croisées "Les dialogues de l‘égalité"
Réalisation d’un service pour le RWLP

 

Les enseignements généraux du service réalisé pour le RWLP
«Les dialogues de l’égalité»

Sur le fond

L’enjeu du service était d’affronter la question des « discours qui déjugent », selon l’expression de Michel Wieviorka.
Le sociologue montre en effet comment un discours général et généreux qui met en avant les valeurs de la République « liberté, égalité, fraternité », lorsqu’il est reçu dans ce qu‘on appelle en France une banlieue peut fonctionner à l’envers de ses intentions : mais si vous êtes privé, vous, comme jeune de l'accès à la liberté, l'égalité, la fraternité, ce discours il est insupportable, et il vous déjuge.1


Le service convenu affronte le discours de revendication à la délicate question de la réception du message et à la nécessité de partir de celle-ci pour se construire.

Le service entend ainsi mettre face à face et faire dialoguer des discours dont l’un peut déjuger l’autre, sans d’office en avoir l’intention.

Trois dialogues ont été organisés. Leur tenue nous a montré que la logique du déjugement pouvait prendre des formes diverses et emprunter des relations différentes.

Dans le premier dialogue le discours engagé est celui du RWLP qui réclame, par exemple, que plus personne, dans un pays aussi riche que la Belgique, ne doive vivre avec des moyens qui se situent en dessous du seuil de pauvreté. Cette revendication se heurte à un discours économique dominant qui taxe ces revendications d’irréalisme, si ce n’est d’irresponsabilité : énoncer des revendications décrétées comme impayables, ce serait mettre en danger tous les équilibres économiques et précipiter le pays dans une aventure dont il aurait grand peine à se relever.
Les « lois immuables de l’économie » prétendent ici au monopole de la vérité sur le monde et sur la réalité. Les échanges entre Christine Mahy et Anne-Catherine Guiot, économiste spécialiste de la question de la pauvreté, déplacent le débat de deux façons.
D’abord ils montrent que « la science économique » n’est pas monolithique : bien des recherches dans le champ de l’économie se portent en faux non seulement contre l’affirmation selon laquelle lutter contre la pauvreté serait impayable, mais surtout contre l’idée répandue qu’il s’agirait de dépenses insupportables, alors qu’il s’agit en réalité d’un investissement qui profiterait à tous.
Le déplacement porte sur la place de cette science : elle n’est pas en dehors de la société, elle est au contraire immergée dans ses enjeux et dans ses luttes ; elle est déterminée elle aussi, pour parler comme Pierre Bourdieu, par les structures sociales dont elle est partie prenante.

Le deuxième dialogue part du discours mettant en avant les droits de l’enfant. Le Délégué général aux droits de l’enfant sortant, Bernard De Vos, avait adopté le « concept » de pauvreté infantile et avait engagé son institution dans des opérations médiatiques qui reposaient sur lui. Parmi celles-ci, l’emblématique « Viva for life ».

Ce discours apparemment engagé déjuge cependant les familles dans lesquelles vivent ces enfants, puisqu’elles disparaissent purement et simplement du discours : il n’y a en réalité d’enfants confrontés à la pauvreté que parce qu’ils vivent dans des familles qui y sont maintenues ou condamnées. Faire l’impasse sur les parents, sur leurs efforts quotidiens pour que leurs enfants aient ce dont ils ont besoin, c’est en quelque sorte les abandonner à leur sort et faire disparaître la question de la pauvreté des adultes. Un deuxième effet du battage médiatique et philanthropique sur la pauvreté infantile tient à un mensonge : la situation des enfants ne va pas s’améliorer durablement ; un « sourire ne sera pas rendu à leur avenir », pour reprendre ce slogan matraqué à chaque fin d’année. Une fois passée la récolte de fonds (qui seront distribués à des associations et non aux enfants en tant que tels), la réalité reprend ses droits et les inégalités demeurent.

Il était donc utile de demander au nouveau Délégué général aux droits de l’enfant, Solayman Laqdim s’il allait s’inscrire ou non dans ce discours.

Nous étions donc face à une double relation : un discours des droits (utile et nécessaire), mais qui peut affaiblir (et déjuger) la lutte contre les inégalités structurelles – et au premier chef la lutte contre la pauvreté ; une relation interne à l’institution du Délégué général aux droits de l’enfant.
La tenue du dialogue a aussi confronté le RWLP à la question des défaillances éducatives de certaines familles : quelle représentation s’en faire, quelle analyse apporter, quelle attitude adopter.

Dans le troisième dialogue, la situation est encore différente. Nous partons d’un spectacle créé par la Compagnie de la Bête noire et qui met en scène le rapport difficile d’une mère avec diverses institutions. Le dialogue de l’auteure de la pièce avec Christine Mahy porte sur le fait de savoir si la pièce et les discours du RWLP à propos des institutions d’aide ne déjugent pas celles-ci.
Nous retrouvons ici le thème de la « double face des institutions » que RTA a théorisé : certes, les institutions, quelle qu’elles soient, peuvent être le lieu d’abus de pouvoir, mais elles sont aussi des lieux de mobilisation qui font exister des valeurs, agissent sur la réalité, peuvent être porteuses de droits.
Christine Mahy et Céline Delbecq déplient avec beaucoup de finesse différents aspects de cette double face.

Sur la forme

Nous sommes restés dans un format de 30 minutes dans la mesure où les trois réalisations connaîtront une double diffusion ou un double usage.

Diffusées sur le site du RWLP, elles peuvent susciter la réflexion individuelle ou collective à propos de ces discours qui déjugent et qui affaiblissent finalement les revendications des uns ou des autres. Le format de trente minutes est aussi approprié à un deuxième usage : constituer un matériau pour des animations ou des cours (en travail social, culturel ou éducatif par exemple) où l’on ambitionnerait de se départir des « lieux communs » (des concepts qu’on utilise de façon réflexe, sans travailler sur eux) et de tenter de sortir de la neutralisation des discours (il y en a qui pensent que, mais d’autres…).
Le flux permanent des matériaux médiatiques permet souvent qu’un discours chasse l’autre ou cohabite avec lui en le neutralisant.
Le travail d’éducation permanente doit nous semble-t-il affronter la question de la confrontation et ne pas se contenter d’être « un parmi les autres ».

Ceci étant dit, le format décidé nous a posé de difficiles problèmes de montage, dans la mesure où les dialogues enregistrés dépassaient souvent cette durée. Par ailleurs, nous avons choisi, pour des raisons didactiques, de remplacer les questions orales par des panneaux écrits pour permettre au spectateur de suivre au mieux le déroulement du raisonnement. Cet aspect du travail, sa durée nous ont conduit à décider de nous concentrer sur trois réalisations, envisageant de poursuivre la série en 2024 sur d’autres sujets. L’effet de « déjugement » étant beaucoup plus fréquent qu’on ne le pense, affaiblissant l’exercice de la critique et la progression des droits.

Nous avons par ailleurs estimé que le « dialogue » était effectivement instauré lorsque les deux personnes s’interpellaient en direct, se substituant à l’interviewer ; cette logique a obligé celui-ci à s’adapter aux échanges plutôt que seulement les conduire.

 

LES RÉALISATIONS

  • Droit des enfants, droits des familles - Sous le prisme de la lutte contre la pauvreté
    Dialogue entre Christine Mahy et Solayman Laqdim
    https://vimeo.com/857443142
  • Action sociale et action culturelle, une rencontre possible?
    Dialogue entre Christine Mahy et Céline Delbecq 
    https://vimeo.com/896558817

 

1 M. Wieviorka, « Subjectivation et violence »,
interview RTA 2013
https://intermag.be/michel-wieviorka-subjectivation-et-violence



Service n°2 - Le 17 octobre 2023, journée mondiale de lutte contre la pauvreté
Réalisation d’un service au profit du RWLP


Les enseignements généraux du service réalisé pour le RWLP « Le 17 octobre 2023, journée mondiale de lutte contre la pauvreté »

 

Nous avions convenu avec notre partenaire structurel le RWLP de construire une trace de la journée mondiale de lutte contre la pauvreté que l’association organisait à octobre Namur le 17 octobre 2023.

Garder trace d’une telle journée répondait à des visées multiples :

  • témoigner de la mobilisation qui a eu lieu ;
  • prolonger cette mobilisation pour ceux qui l’ont vécue et y donner accès à celles et ceux qui n’avaient pas pu se libérer ;
  • inscrire de façon durable les revendications portées par le RWLP à cette occasion.

La demande du RWLP en matière de traces portait sur deux dimensions novatrices par rapport aux éditions précédentes :

  • le rassemblement sur la place d’Armes ;
  • la venue du Délégué Général aux droits de l’enfant.

Le rassemblement sur la place d’Armes, pour la première fois, n’était pas précédé d’une manifestation dans les rues. Ce choix a été opéré essentiellement pour permettre à tous les militants des diverses associations de pouvoir pleinement participer : une bonne partie du public précarisé présent les autres années ayant évalué le mode « manifestation de rue » comme trop fatiguant, pas réellement à leur portée.

La venue du Délégué aux droits de l’enfant (DGDE) s’inscrivait quant à elle dans le fait que, pour la première fois, de très nombreux enfants participaient à la journée (au total, plus de mille enfants ont participé à des animations réparties sur trois jours).

Nous avons donc choisi de réaliser deux sujets séparés : une captation et un montage témoignant de la mobilisation sur la place d’Armes ; un sujet où nous avons suivi plus particulièrement le DGDE, qui a assisté à des ateliers organisés spécifiquement pour les enfants (en l’occurrence la pièce « Monsieur » du Théâtre de la Communauté).

Cette journée avait pour nous tous une résonance particulière puisqu’elle n’était pas seulement une manifestation faisant partie d’une campagne d’éducation permanente : elle constituait à part entière une campagne sur l’éducation permanente : que peut-elle apporter à la production de la société ? A quelles conditions ? Comment ?

Les deux réalisations, par-delà leurs différences de fond et de forme, portent dès lors sur ce point de vue.

Etant donnée cette particularité du 17/10 2023, il nous a semblé que les enseignements à tirer de ce service concernent effectivement des réflexions sur ce que peut être l’éducation permanente aujourd’hui.

La manière dont le RWLP a voulu témoigner de l’importance et de la spécificité de l’éducation permanente dans ses combats pose à ce secteur 4 questions.

1. Lutter contre la fragmentation

Il nous semble que certaines caractéristiques des luttes ne sont plus « données », ne sont plus un acquis comme cela a pu être le cas parfois auparavant ; nous pensons ici aux mouvements ouvriers, définis par une posture commune face à un adversaire unique : les maîtres du travail, propriétaires des moyens de production.

Un mouvement « populaire » aujourd’hui ne doit-il pas rassembler des groupes hétérogènes qui se rassemblent pour transcender leurs revendications spécifiques (publics confrontés à la pauvreté, étudiants, syndicats, travailleurs sociaux, animateurs socio-culturels, groupements féminins…) ? Si le caractère « populaire » ne va plus de soi et n’est plus un donné, rien n’empêche de le considérer comme à construire, autour d’objectifs de lutte adoptés par tous : par exemple la conquête du pouvoir de vivre, qui correspond au droit à se définir et à faire des choix de façon autonome et, évidemment, à la conquête des moyens de tous ordres qui peuvent rendre ce pouvoir de vivre effectif.

Cette logique (définir un objectif de lutte commun à des catégories diverses de la population) nous sort à la fois des luttes seulement corporatistes et des luttes qui porteraient uniquement sur des conditions organisationnelles – aussi légitimes qu’elles soient également.
Le rassemblement sur la place d’Armes frappait par son caractère diversifié, mais également par son unité : la lutte contre les inégalités, à laquelle bien des groupes peuvent et entendent contribuer.

2. Une forme populaire

Cette mise en commun d’objectifs adoptés par des groupes diversifiés est appuyée par la participation expressive à l’événement lui-même. L’idée de demander à chaque participant, à plusieurs reprises, de marquer son assentiment en levant un panneau sur lequel était inscrit un nom de commune où doit ou devrait se développer le pouvoir de vivre constitue un mode d’expression à la portée de tous, doté d’un pouvoir d’évocation symbolique important.
C’est là sans doute une modalité contemporaine de l’action d’éducation permanente que de mobiliser ainsi une dimension expressive et symbolique qui parle immédiatement à tous ; c’est dans ce sens qu’on peut peut-être aussi la qualifier de populaire.
Cette dimension symbolique était elle-même appuyée par d’autres supports qui lui étaient congruents  : la parole aux premiers intéressés ; le théâtre-action ; la chanson.

3. L’inter-connexion des droits

Elle était particulièrement signifiée par les prises de parole qui se sont succédé à la tribune : militants, délégué général aux droits de l’enfant, directrice d’une AMO intervenant sur la question du logement et notamment des jeunes précarisés, secrétaire général de la mutualité socialiste présentant son baromètre de la santé, etc.

On ne pouvait mieux signifier que tous les droits et tous les combats pour les maintenir, les garantir ou les étendre doivent désormais se penser et se dire comme inter-connectés et non séparés.
La conception défendue par Bernard Lahire peut sans doute nous aider à comprendre et exprimer cette inter-connexion :

« Disposer de plus d’espace, de plus de temps, de plus de confort matériel, de plus d’aide humaine, de plus de connaissance, de plus d’expériences esthétiques, de plus d’informations, de plus de soins, de plus de vocabulaire et de formes langagières, de plus de possibilités de se vêtir, de se reposer, et bien sûr d’avoir plus d’argent (…) c’est avoir plus de pouvoir sur le monde et sur autrui. (…)
Inversement, (…), pour celles et ceux qui cumulent les « handicaps » et les manques de ressources, c’est toute la vie qui se restreint. Le temps de vie qui se raccourcit, l’espace qui se réduit, le temps de repos ou de loisirs qui s’amenuise, le confort qui diminue, l’horizon mental et sensible qui se referme, et finalement la maîtrise du monde et d’autrui qui s’affaiblit ou disparaît.»2

Notons que les slogans « droit à l’aisance » et « conquête du pouvoir de vivre », conçus par les militants du RWLP, l’ont été sans connaître, à l’époque où ils ont été créés, la pensée du sociologue.

4. Ressentir pour raisonner

La multiplicité des ateliers proposés pendant toute la journée – et par exemple des spectacles théâtraux, notamment à l’intention des enfants, met en lumière que l’action d’éducation permanente peut être facilitée en donnant l’occasion de ressentir pour pouvoir raisonner sur des situations, une problématique sociétale, des enjeux.
L’outil culturel a ainsi toute sa place dans l’action d’éducation permanente.
On connaît la célèbre prise de position de Michel de Certeau :

« On ne peut dissocier ici l'acte de comprendre l'environnement et la volonté de le changer. La culture en reçoit une définition : il n'est possible de dire le sens d'une situation qu'en fonction d'une action entreprise pour la transformer. Une production sociale est la condition d'une production culturelle. »3


L’organisation de la journée de lutte contre la pauvreté dont nos deux traces témoignent nous rappelle qu’il peut être pertinent d’inverser aussi la formule : « il n’est possible d’entreprendre une action de transformation qu’en en percevant ou ressentant le sens. Une production culturelle peut être la condition d’une production sociale. »

 

LES RÉALISATIONS


 

 

Notes

2 B. Lahire (dir.), « Réalité augmentée, réalité diminuée », in Enfances de classe, De l’inégalité parmi les enfants, Paris, Seuil, 2019, pp. 1159 et sq.

3 Michel de Certeau, "Politiques culturelles", in La culture au pluriel, Paris, U.G.E., 1974.