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Dans le secteur de l'aide à la jeunesse, le Projet Educatif Individualisé va devenir effectif pour tous les services mandatés par les pouvoirs publics. Cette mise en oeuvre impliquera le recours à une modélisation, implicite ou explicite; celle-ci pourra selon les options qui seront prises, peser en sens divers sur l'interaction professionnels/bénéficiaires.
Jean Blairon va tenter d'étudier les usages sociaux qu'une telle modélisation sera en mesure de soutenir ou au contraire risquera de déforcer, et va décrire quelques-uns des effets prévisibles et des pièges à éviter.

Nous empruntons aux sociologues Callon et Latour le terme de « créature », par lequel ils désignent des inventions de laboratoire qui façonnent le quotidien. Pour ces sociologues, en effet, les objets techniques, qu’ils soient matériels (comme le GSM) ou immatériels (comme une modélisation) influent sur le lien social, sur lequel ils peuvent être en mesure de peser.

Le concept de « créature », au-delà de la technicité considérée, implique ainsi des rôles (celui d’inventeur, mais aussi de « technicien d’insertion », terme qui désigne ceux qui déploient tous leurs efforts pour que les créatures inventées dans les laboratoires soient adoptées par le corps social : certains universitaires, des journalistes, des intermédiaires...). Le concept de créature permet aussi d’attirer l’attention sur des interactions particulières, qui mettent en présence des protagonistes humains et les objets de laboratoire considérés.

Le terme d’ « acteur non humain » proposé par Callon et Latour pour étudier ce genre particulier d’interactions a pu faire sourire, mais il possède, au-delà d’un caractère qui peut paraître caricatural, un avantage: celui d’insister sur la réalité et l’importance des effets produits par l’introduction de ces inventions de laboratoire. L’histoire de Frankenstein sert d’arrièrefond littéraire au concept, en introduisant l’idée que la créature peut être à l’origine de « débordements » de toutes sortes, qu’il n’est pas nécessairement facile de contenir et qui finissent en quelque sorte par vivre leur propre vie, indépendamment des intentions de leurs concepteurs.

Lorsque nous avons affaire à des modélisations, elles peuvent par exemple produire un horizon d’attentes, modeler en partie le lien social, voire conduire l’interaction, notamment lorsque sont mis en relation des professionnels et des bénéficiaires.